1914 - Une guerre par accident by Georges Ayache

1914 - Une guerre par accident by Georges Ayache

Auteur:Georges Ayache [Ayache, Georges]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire
Éditeur: Pygmalion
Publié: 2012-01-01T00:00:00+00:00


Saint-Pétersbourg, 28 juillet, 11 h 00

— Ce n’est en somme qu’une question de mots !

Le commentaire de Serguei Sazonov, quatre jours plus tôt lorsqu’on lui avait montré le texte de l’ultimatum autrichien, était un peu court. Mais la plupart des exigences de Vienne lui paraissaient acceptables. À peu près trois d’entre elles seulement pouvaient prêter à négociation. Un adjectif par-ci, un adverbe par-là, rien de gravissime au fond. On n’allait tout de même pas partir en guerre pour des divergences lexicales ou syntaxiques !

Même si on le disait parfois impulsif, Sazonov n’était pas un homme passionné. C’est sans doute ce qui lui valait une réputation d’irrésolution voire de pusillanimité. Le grand-duc Paul ne voyait en lui qu’un tchinovnik, un petit fonctionnaire. L’intéressé n’en avait cure. Il avait la confiance de l’empereur. Et la réponse de Belgrade, qu’il avait largement encouragée, l’avait rassuré.

— Beaucoup mieux que nous aurions pu espérer[177]…

Aujourd’hui, d’ailleurs, la réflexion était plus que jamais de rigueur. Et la passion, comme toujours, mauvaise conseillère. En quatre jours, pourtant, que de choses avaient changé ! On n’en était plus à ergoter sur des mots ou des tournures de phrase, histoire de ménager des susceptibilités. Aujourd’hui, l’Autriche venait de déclarer officiellement la guerre à la Serbie. La Russie était au pied du mur, à l’épreuve de la solidarité slave. À l’épreuve de son statut de grande puissance.

Mais le canon n’avait pas encore tonné. Le sang n’avait pas encore coulé. Les hommes d’État paraissaient pouvoir contrôler les événements. Certains jouaient les matamores, d’autres se faisaient plus madrés. Certaines postures cachaient mal l’incapacité des uns ou des autres à maîtriser les choses. Rien cependant n’était encore irrémédiable.

Des esprits lucides espéraient au fond d’eux-mêmes qu’il se trouverait in extremis un sage pour ramener tout le monde à la raison. Cet espoir devenait pourtant de jour en jour plus ténu. La machine infernale s’emballait et menaçait clairement d’échapper au contrôle des apprentis sorciers.

À Berlin, le chargé d’affaires russe n’y avait pas été par quatre chemins :

— L’Autriche veut donc vraiment faire la guerre à la Serbie ?

Il s’était fait rabrouer sèchement par Jagow :

— Il ne s’agit pas de guerre. Il s’agit d’une expédition de châtiment pour régler une affaire locale[178].

Chacun savait que Berchtold jouait dangereusement avec les mots. Ainsi, pour lui, l’ultimatum à la Serbie n’avait jamais existé. Il n’était question que d’une « démarche à délai limité… ».

Passe encore pour l’Autriche et ce Berchtold qui était davantage un boutefeu qu’un diplomate. Mais à quoi jouait donc Berlin ? Sazonov n’avait toujours pas la réponse à cette question. Il était à mille lieues d’imaginer à quel point, depuis le début de la crise, le gouvernement allemand était à la remorque des événements et de Vienne. La main malveillante du comte Berchtold, maître en manipulation, n’y était pas pour rien. La légèreté des diplomates et l’impéritie des fonctionnaires allemands, non plus.

La veille, lundi 27 juillet en fin d’après-midi, le Kaiser était de retour à Potsdam. Aucune des personnalités venues l’accueillir en gare de Wildpark, le chancelier en tête, n’avait jugé bon de l’alerter sur la gravité de la situation.



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